Un aviateur US belliqueux et kamikaze. Une nymphomane qui prend son pieds en s'envoyant au ciel avec un engin qui dйcolle. Un gйnйral qui pleure devant Dumbo. Une maison qui glisse d'une falaise. Un sous-marin au pйriscope phallique et aux chiottes stratйgiques. Une grande roue en folie avec un ventriloque а son bord. La parano s'empare de L.A. (et d'Hollywood) а la suite de l'attaque de Pearl Harbor. La Californie se sent menacйe par jes japonais. Mais ce ne sera pas pire que les Californiens eux-mкmes.

Scйnario. Robert Zemeckis, Bob Gale, John Milius
Musique. John Williams
Image. William Fraker, Frank Stanley
Montage. Michael Kahn
Durйe. 118 mn

casting.
Dan Aykroyd (Sergent Tree)
John Belushi (Wild Bill Kelso)
Ned Beatty (Ward Douglas)
Christopher Lee (Von Kleinschmidt)
Tim Matheson (Birkhead)
Et aussi Robert Stack, Nancy Allen, John Candy, Treat Williams.

En 1938, Orson Welles avait affolй les Etats Unis en annonзant " La guerre des mondes " а la radio. Cette panique exista rйellement а Los Angeles aprиs l'attaque de Pearl Harbor. Une frйnйsie telle que de nombreuses cartouches furent gвchйes pour tirer dans des nuages.
Spielberg n'a pas confiance en lui, malgrй deux succиs consйcutifs. Pourtant, il s'aventure dans la comйdie, avec un casting digne du " Saturday Night Live ", dиs que ce script dйlirant (et hilarant) lui tombe dans les mains. Beaucoup trouve que " 1941 " est ratй. Les faits montrent que le film a йtй un йchec public (mais pas financier). Pourtant, c'est un pur moment de bonheur, de folie, d'ivresse, entre Mel Brooks et le cartoon. Sans le savoir, Spielberg signait son seul film drфle (avec la saga des " Indiana Jones " dans un registre plus aventureux), et sans doute le plus culte.
Pour Spielberg, c'est la rйvйlation d'une face peu connue de sa lune, l'humour. On le retrouve dans une scиne ou un personnage а chacun de ses films. Mais lа il a voulu explorй son cotй " Hellzapoppin ", comme il le dit lui-mкme, jusqu'а s'auto-parodiй en plagiant l'ouverture maritime de " Jaws " ou la station-service de " Duel ".
" 1941 " abuse de tout. l'excиs des personnages, les situations extrкmes (et rarement subtiles), les prises de vues sinueuses (le film est entiиrement tournй avec une Louma, camйra qu'avait repйrй Spielberg а un Festival de Deauville). Le film marque un tournant dans la vie de Spielberg. Il va vouloir s'associer а un producteur pour arrкter les dйpassements de budget (de 4 on est passй а 32 millions de $) et de jours de tournage qu'il subit depuis " Jaws ". Il va se rendre compte que l'йchec du film ne le touche pas, comparй а la rupture avec sa copine de l'йpoque. Le cinйma n'est pas toute sa vie. Aprиs cette utilisation gвtйe de la Louma (" 1941 " est devenu une rйfйrence dans le domaine), il prйfйrera des camйras plus classiques et des plans plus rigides.
Pourtant la perception des gens est celle d'un film ratй et dйficitaire. Tout faux. Mais le public a йtй perturbй. cette grande fкte foraine que livre Spielberg n'a pas d'histoire centrale (mais 7 !), aucun personnage auquel s'identifier… c'est comme un cirque, un spectacle qu'on adore mais qui part dans tous les sens. En ce sens, il rend hommage indirectement au premier film qu'il a vu au cinйma, " Sous le plus grand chapiteau du monde". Le film est aussi l'exact opposй d'un " Saving Private Ryan ". Il ne montre pas la guerre, il n'y a pas de sang, mais dйvoile un gigantesque capharnaьm, une sorte de parc d'attractions. C'est en fait un parfait portrait de ce que les californiens sont. superficiels et dйconnectйs, hystйriques et bizarres. La satire vise cet йtat clairement quand le gйnйral parle d'un йtat insane. Le script fut tellement mal perзu que John Wayne refusa le rфle du gйnйral (idem pour Charlton Heston), йcrivant а Spielberg qu'il dйshonorait l'Amйrique avec de tels propos et qu'il ferait mieux de faire un film sur la Deuxiиme Guerre mondiale. Justement, aprиs les zincs rescapйs de " RD3T ", " 1941 " prouve а quel point ce conflit inspirera Spielberg (au total 4 films autour du sujet). Les avions ont aussi une rйelle importance dans son cinйma. Et les poursuites ici sont aйriennes et parodient mкme " Star Wars ". Bourrйe de blagues et de rйpliques comiques, cette farce, йcrite par un certain Robert Zemeckis, se veut un hommage aux comйdies des annйes 40.
Le gйnйral (encore lui) qualifie ce qu'il voit de " dйmentiel ". Ca tombe pas loin… Le paroxysme est atteint lorsque la grande roue s'йchappe de ses tenants et roulent vers la ville. Un grand moment d'extravagance. On ne peut que s'attacher а ce genre de moments imprйgnйs а jamais dans nos mйmoires.
Surtout, Spielberg йvoque lа une vision puissamment anti-militariste qui rappelle la comйdie-parodie de Kubrick (et oui dйjа), " Dr Strangelove ". Les puristes critiquent la surenchиre dйsopilante du film. Les cinйphiles y verront lа un rare instant de libertй dans l'њuvre d'un cinйaste qui semble tout contrфler. L'absurde bataille contre le bon sens. Le pиre de famille s'occupe davantage de l'ennemi que de son entourage, un peu comme Dreyfuss dans " RD3T " avec son hallucination. Le film puise sa rage dans la peur, les phobies, l'animalitй de l'homme. Le tout vire dans le cocasse outrancier, et s'accйlиre pour finir en feu d'artifice et laisser une impression de jubilation aprиs un regard si subversif sur ses compatriotes. Elйment souvent oubliй dans ses biographies.